Plateforme Engagement Actif Citoyen pour l’Egalité
( P.E.A.C.E.)
(Mars 2015)
Début 2015, un groupe de jeunes d’un quartier de Liège a voulu constituer un noyau de lutte contre le racisme et les discriminations. L’initiative n’a pas abouti, mais elle a laissé des traces écrites : une plateforme et quelques réflexions d’orientation.
La plateforme
Constats
Depuis plusieurs années déjà, les attaques contre les citoyens belges de confession musulmane sont devenues de plus en plus agressives et systématiques. Sous des formes les plus diverses : violences verbales, campagnes médiatiques, conférences à sens unique, livres haineux, lois et projets de lois qui les visent spécialement, règlements discriminatoires dans l’enseignement ou l’administration (avec leur lot d’exclusions et de licenciements), ingérences dans la gestion du culte, etc. Un peu plus récemment, elles sont purement et simplement passées à l’agression physique : profanation des mosquées et des cimetières, voies de faits sur les personnes, etc.
Cette offensive vient de Monsieur Tout le Monde, bien sûr. Mais elle vient aussi et surtout des institutions. Principalement, le racisme anti-musulman (islamophobie si on préfère) fait le plus de dégâts quand il est un racisme d’Etat, un déni d’égalité. C’est ainsi qu’un citoyen belge de confession musulmane a moins de droits que les autres, est soumis à des législations d’exception. Exemples : droit de veto des Services de sécurité de l’Etat quant aux membres de l’organe chef de culte et de la reconnaissance des mosquées, mise en demeure de tous les Musulmans de « se justifier » et de se « désolidariser » quand un Musulman viole la loi, obstacles à la pratique du culte (foulard), fichage et surveillance tout azimut, etc…
Les causes de cette situation sont nombreuses. Voici les principales :
1) Les Musulmans sont très présents dans les mobilisations contre les interventions militaires et les positions néocoloniales de la Belgique (Irak, Afghanistan, Libye, Syrie) et contre son soutien à l’Etat sioniste en Palestine. Le gouvernement veut briser cette combativité. Depuis la fin de la guerre froide et surtout depuis le 11 septembre, il utilise déjà l’emballage du « danger islamiste » et de « la menace terroriste » pour justifier sa politique extérieure. Mais il utilise aussi le même emballage pour discréditer et réprimer ceux qui s’opposent à cette politique en Belgique (les Musulmans comme ennemi intérieur).
2) Les Musulmans de Belgique, les jeunes en particulier, sont massivement frappés par l’échec scolaire, la pauvreté, le chômage, et sont massivement voués à l’intérim ou aux travaux pénibles. Le gouvernement veut neutraliser leur capacité de révolte, les discréditer et les isoler. Là aussi, il utilise la lutte contre le « danger islamiste » et la « radicalisation » pour justifier leur répression, leur mise au pas (les Musulmans comme « groupe social dangereux »).
3) Les conditions de la crise économique et les mesures du gouvernement pour y remédier (sans toucher aux riches) rapprochent les populations les plus touchées par ces mesures et cela sans distinction de confession ou d’origine. Le gouvernement veut empêcher ce rapprochement en désignant les Musulmans à la vindicte populaire (les Musulmans comme boucs émissaires).
Objectif général
En partant de ces constats, l’objectif général est de sensibiliser, unir, et mobiliser les Musulmans pour qu’ils se défendent. Cinq revendications principales devraient être à la base de cette démarche : a) une égalité citoyenne effective, b) un enseignement gratuit de qualité égale pour tous, c) la fin des discriminations (abrogation de toutes les lois d’exception et tous les règlements qui ciblent les Musulmans), d) un modèle social qui promeut la solidarité et non la compétition individuelle, la domination et l’exploitation, e) une politique extérieure qui appuie la justice, la coopération et la fraternité entre pays égaux et non l’injustice, l’hégémonie, la guerre et le pillage.
Tous les projets pratiques, aussi petits soient-ils, auront un rapport avec la poursuite de cet objectif qui leur servira de critère d’évaluation.
Principes pour les objectifs et projets pratiques :
1. Chercher toujours l’ouverture à toutes les personnes et associations ou groupes (sans distinction de nationalité, d’option philosophique ou de sexe) qui peuvent contribuer aux activités et les renforcer.
2. Chercher toujours la forme la plus légitime à la colère et au mécontentement légitimes des Musulmans.
3. S’efforcer toujours de se comporter en Belge qui est de confession musulmane et non en Musulman qui a la nationalité belge. (Même les demandes purement religieuses devraient être envisagées sous cet angle citoyen : les Musulmans sont une minorité qui, en tant que telle, a des droits en démocratie).
4. Etre très attentifs à toujours marquer notre solidarité avec toutes les personnes victimes d’injustices et les mouvements sociaux luttant contre les injustices.
5. Choisir toujours le sujet sur lequel on communique, le moment de communiquer, la façon de communiquer, et non réagir à tort et travers.
6. Construire notre autonomie, notre capacité de réagir de manière autonome et veiller toujours sur cette autonomie par rapport à tout le monde (personnes, groupes, associations ou partis).
Annexe :
Notes sur la tactique de lutte des Musulmans pour l’égalité
Orientation
1°) Lutter contre racisme et discriminations d’Etat, le parti pris des médias dominant au lieu de gémir à propos du racisme de Monsieur et Madame tout le monde (voisin)
2°) Défendre le Droit de ne pas parler de ses convictions (protégé par des conventions internationales et européennes) au lieu de « l’islam ne dit pas ça », « ce n’est pas le vrai islam », etc.
3°) Défendre le droit des Musulmans d’avoir des conditions de culte décentes au lieu de redorer l’image de l’islam (livre sympa sur islam et ses traditions, islam gentil pour voisins)
4°) Travailler à l’autonomie (compter sur soi et pas de partenariat envahissant jusqu’à consolidation de cette autonomie) au lieu de courir après les subsides, sponsors, pub, partenariats tous azimuts
5°) Reconnaître la part de légitimité qu’il y a dans les symptômes du mécontentement des jeunes (aller en Syrie, terrorisme, délinquance) au lieu de jouer les supplétifs de l’Etat (prévention, occupationnel, déradicalisation, etc. )
6°) Lutter contre le racisme anti-Musulmans au lieu de lutter contre « l’islamophobie » (le racisme anti-Musulmans n’est pas une maladie, mais une politique)
Mesures :
1°) S’investir soi-même en temps et en argent au lieu de trouver des gens pour le faire à notre place, minimalisme
2°) Nous unir, nous organiser, nous mobiliser, intervenir dans l’espace public… au lieu de papier, vidéo, web, etc.
3°) Se positionner comme Belge de confession musulmane au lieu de Musulman belge
4°) Viser en priorité les personnes qui souffrent du racisme anti-Musulmans et des discriminations au lieu de Monsieur tout le monde belgo-belge.
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